Anne Lewis, démarche artistique

Anne Lewis nous invite à regarder d’un œil nouveau les média et les technologies de l’information, particulièrement la télévision et la presse écrite. C’est un monde qu’elle connait bien puisqu’elle y travaille depuis 25 ans. Elle nous incite ainsi à réévaluer ce flot constant d’images médiatiques souvent extrêmement provocantes inondant nos foyers et nos psychés.

Pour Anne Lewis, de bien des façons, nous en savons trop, le privé rendu public, le danger reconnu, la vulnérabilité évidente, le besoin si criant et le gâchis si effrayant. Que faire face à ces reportages sur le terrorisme, la guerre, les abus sexuels, les sans-abri, les désastres naturels, les pandémies à venir et la destruction de l’environnement qui envahissent notre privé quotidiennement à travers les media?

Les œuvres qui forment la série intitulé Hôpital de campagne émanent de ses deux carrières parallèles d’artiste visuelle et de journaliste à CTV News de Montréal. Ce travail est sa réplique à la puissance, au volume et à la vitesse des messages média qui nous entourent, une réponse venue de son expérience de consommatrice, de citoyenne, de messagère et rassembleuse d’informations.

Hôpital de campagne se divise en trois sections - En savoir trop, Coupures de nouvelles, Dessins à l’eau. Anne Lewis prend ces messages visuels et verbaux chargés d’émotions et les objets qui les contiennent et explore un processus de transformation à travers des métaphores culturelles et médicales.

Dans En savoir trop, elle réutilise les bandes vidéo réelles, nommées dans son milieu les “field tapes” et leurs boîtes, désormais mises au rebut. Supports d’information objective, elles vont être transformées par une réaction subjective et pansées par du matériel hospitalier, tel le ruban chirurgical, ou par des matériaux naturels, boue ou eau. Ce travail vise à nettoyer la mémoire digitale et humaine et à restaurer en ces objets médiatiques de haute technologie le côté sauvage de la nature.

Les œuvres en papier intitulées Coupures de Nouvelles se font à partir de la presse écrite. Scalpel à la main, elle commence avec une page de journal dont elle retire tout contenu qui la bouleverse. Elle traite ensuite les lambeaux qui restent en les plongeant dans une culture d’agent plastifiant, ses propres décoctions végétales et s’il le faut, de la terre apaisante. Elle transplante cette masse humide et molle sur un fin papier de soie de qualité archive. La forme se construit à partir de l’échange entre ses mains et la page blanche.

Pour Dessins à l’eau Anne Lewis glisse sur la surface d’un étang de longs rouleaux de papier qui contiennent les images préalablement enlevées des Coupures de nouvelles. La forme prise par le papier est dictée par le vent et les courants dans l’eau. Des photographies numériques documentent le résultat.

Dans Hôpital de campagne, sa préoccupation globale demeure constante: humaniser et adoucir notre monde médiatique.